Pas besoin d'ordonner, je suis un fan passionné de cette série. Mais passionné dans les deux sens de ce mots, et ma critique risque d'être à la fois amoureuse et virulente, voire très cru par moment.
L'Agent des Ombres, son anti-héros si charismatique et savamment brutal, un James Bond ou un Malko Linge de la fantasy, un guerrier parfait, des intrigues subtiles, des combats dantesques de précision qu'on se croirait dans un film, un peu de romance pour habiller le tour d'un univers sombre, cynique et bien construit.
Ça c'est ce que j'adorais, mais dans la première partie de la série, sa première saison (tome 1 à 5).
Mais la référence à SAS et Malko Linge n'est pas là par hasard, malheureusement. Pour trois raisons à mes yeux:
L'intrigue et son héros: alors oui les grands méchants sont vraiment méchants, le héros en prend plein la poire, il lutte contre des tas de complots plus retors les uns que les autres, avec une enquête toujours sérieuse de sa part qui fini généralement en tapant les sous-fifres avant d'arriver, à chaque fin de tome, contre le boss de fin. Sauf que j'ai l'impression que ce scénario, digne d'un bon porte monstre trésor, ne change pas vraiment à chaque roman. On s'y attend presque à chaque fois. Et chaque fin de tome on a une révélation sur ce bon Cellendhyll, qui est de plus en plus archétypal. Il comprend rien à rien, se retrouve coincé dans des plans tordus et avance en gros comme un sacré taureau de combat en larmoyant un peu sur les femmes, ses employeurs qui le trahissent et son vin qui n'est pas bon. Pour ceux qui connaissent le JDR, ce type devient un grosbill charismatique un peu dark sur les bords et qui n'a qu'une seule voie d'expression, la violence plutôt qu'un vrai anti-héros, un type qui a des faiblesses et des vrais problèmes autre que des gamineries et autres bouderies d'adolescent mal dans sa peau.
Mention spécial pour les méchants, autant au début ils étaient sympas mais là aussi on a une montée dans le bourrin. Toujours plus gros, toujours plus puissant, toujours plus méchants. Même si j'aimais beaucoup les fanatiques religieux du début et les dérouillées qu'ils prenaient
En parlant de dérouillées, les combats étaient géniaux au début. Des vrais scènes de cinéma avec des coups très précis, des arts martiaux très particuliers et puis la classe du héros quoi. Mais là encore c'est toujours le même schéma de tome en tome, voire parfois des combats copier-coller quasiment au mot près. Le héros se bat de deux manières. Contre des sous-fifres il se contente de tracer un chemin sanglant et limite se recoiffer de temps à autre dans le plus pur style L'Oréal parce qu'il le vaut bien. Et puis arrive le boss ou le sous boss
de fin de niveau de tome et là c'est toujours grosse baston, Cellendhyll dérouille un peu avec quelques gouttes de sang sur son visage et puis retournement de situation grâce à une arme magique/une aide impromptue/ses talents de ninja assassins overbourrin qui tue tout ce qui bouge parce qu'il est le seul à les maîtriser. *reprend son souffle* Puis ont finit sur la mort du grand méchant avec une révélation dans son dernier souffle (ai-je déjà dit que toutes les puissances du coin connaissaient tout de la vie de ce bon Cellendhyll sauf que lui semble avoir été totalement lobotomisé ?). Bien entendu notre héros n'écoute pas/ne comprend pas/se prend un TGCM* gratuit qui lui fait tout oublier de la scène (oui j'ai été très déçu par la fin du dernier tome**

). Puis il va sauver
la princesse sa dulcinée bien évidemment capturée à un moment par le grand méchant.
J'en arrive à mon troisième point, les femmes et leur place dans ce monde. Bon ma dernière boutade est légèrement ironique, parce que les personnages féminins, outre de ressembler à des bimbos siliconées qui émoustillent tant Cellendhyll que l'adolescent qui lira cet ouvrage, ont quand même une sacré dose de charisme qui n'est pas du qu'à leur plastique. Fortes, indépendantes et passionnées, ce sont toutes réellement des femmes d'exceptions qui pourraient amener quelque chose de fabuleux au personnage, je pense à Constance de Winter par exemple qui est l'opposé de cette brute de Cellendhyll. Mais voilà, les quatre que le personnage aime ou a aimé se retrouvent à chaque fois limité à un schéma type: amour réciproque construit lentement=>passion partagée de manière biblique=>trahison de la femme aimée (oui sa mort compte à mes yeux pour une trahison du personnage principal).
Bref en gros on a affaire à un gros romantique qui se fait briser le cœur tous les tomes et demies parce que la gente féminine se résume à un mot vulgaire quand elle n'est pas assassinée par le grand méchant aux desseins obscurs.
D'ailleurs revenons en un peu au grand méchant. Cet univers est plein de sexe, ce qui fait que je ne le laisserai pas en n'importe quel main. Je ne suis pas un garçon prude et innocent, l'érotisme dan certaines œuvres ne me dérange pas voire même c'est un style d'écriture que je pratique de temps à autres. Mais là Michel Robert va parfois très (trop) loin, dans un mauvais remake de SAS et San Antonio.
Je m'explique: les grands méchants, même les prêtres, sont tous des grands méchants très très vilains, même dans leurs pratiques sexuelles qui incluent la partouze/le sadomasochisme/des trucs encore plus déviants. Bon vous me direz normal, ils sont méchants. Et s'opposent donc au personnage principal.
Le héros, lui, est un amant passionné qui n'a qu'une unique fois un problème de panne. Le reste du temps il est dans une forme monumentale et a les mêmes compétences qu'un acteur de films interdit au moins de dix-huit ans. Et bien entendu ses dames prennent leurs pieds dans une explosion de jouissance. Sauf que toutes ces scènes se retrouvent parfois copiées collées là encore, et en dehors d'une description très cru (crue ?) qui fait phantasmer les petits jeunes qui tombent dessus, je pense que si on en a lu une à un moment on a lu toutes les autres (j'en arrive même à passer ces passages pour dire).
Alors oui j'ai adoré les premiers tomes. J'achèterai encore la suite par collectionnite aiguë, et puis ça détend après une journée de boulot intensif. Mais plus ça va plus j'ai l'impression que Michel Robert fait encore et toujours le même remplissage, avec des scènes copiées collées répétées une fois ou deux, l'apparition de temps à autres d'un ancien grand méchant pimente le tout et paf le bouquin est emballé. J'ai finalement la même sensation que j'ai en lisant le Trône de Fer, un auteur qui voit son oeuvre marcher du tonnerre, et qui remplit encore et encore sans bien savoir où il va. C'est dommage parce qu'en tant que fan de la première heure je me sens floué par la série de l'Agent des Ombres qui m'avait pourtant initié à la
dark fantasy par un univers, des personnages secondaires (Rathe par exemple, le maître voleur, et surtout Geritarish, boule de poil, ce personnage so sexy et charismatique) et un contexte qui était fabuleux.
*TGCM: ta gueule c'est magique
**précision pour les puristes ou ceux qui n'ont jamais lu l'ouvrage: je ne fais référence qu'aux ouvrages en poche donc j'en suis au tome 7 sur 8 parus bien que j'ai commencé par les deux premiers tomes en grand format.